Démystifier le ROR et l’autisme


University of Louisville, School of Medicine, États-Unis

Version PDF

Introduction

En 1998, Andrew Wakefield et ses collègues ont publié un bref rapport intitulé Ileal-lymphoid nodular hyperplasia, non-specific colitis, and pervasive developmental disorder in children dans The Lancet, le prestigieux journal médical.1 Ce groupe de douze enfants souffrant de troubles du développement et de problèmes gastro-intestinaux comprenait neuf autistes. Selon leurs parents, huit des douze enfants avaient reçu le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) avant de présenter des symptômes développementaux. Bien que les auteurs aient écrit : « Nous n’avons pu prouver qu’il existe un lien entre le vaccin [ROR] et le syndrome décrit », Dr Wakefield, dans un communiqué de presse, a suggéré aux parents de séparer les trois composantes du vaccin avant qu’une recherche plus approfondie puisse être réalisée. Cette étude a beaucoup suscité l’attention des médias partout dans le monde et plusieurs parents ont commencé à douter de la sécurité du vaccin ROR.

Sujet

En raison des inquiétudes soulevées par le ROR et l’autisme, un nombre croissant de parents a exigé de retarder ou de refuser ce vaccin,2,3 parmi lesquels les nouveaux parents et les parents d’enfants plus âgés souffrant d’autisme.

Problèmes

La rougeole représente un pathogène très contagieux et le refus de recevoir le vaccin est lié à des épidémies de la maladie. En 2008, au moment de la recrudescence de la rougeole aux États-Unis, 91 % des personnes touchées n’avaient pas été vaccinées et 66 % d’entre elles ne présentaient pas de contre-indications médicales pour le vaccin.4 Une petite épidémie en Indiana a touché 34 personnes et 32 d’entre elles n’étaient pas vaccinées.5 Des épidémies similaires sont survenues dans d’autres collectivités où les individus étaient très susceptibles d’attraper la maladie. Au Royaume-Uni, la rougeole avait été éliminée, mais avec la diminution du taux de vaccination après Wakefield, la maladie est redevenue endémique, ce qui veut dire qu’elle s’est propagée d’une personne à l’autre pendant plus de douze mois.12

Contexte de la recherche

L’article original de Wakefield portait sur une petite série de cas comprenant 12 enfants. De telles études ne peuvent pas prouver qu’une chose en entraîne une autre. Elles peuvent être utilisées pour avancer des hypothèses qui peuvent être testées dans le cadre d’études épidémiologiques plus approfondies et à plus grande échelle.

Questions clés pour la recherche

  1. Les conclusions de Wakefield ont-elles été répliquées par d’autres chercheurs?
  2. À l’échelle de la population, l’administration du vaccin ROR est-elle liée au développement de l’autisme?

Résultats récents de la recherche

  1. Première question clé de la recherche : Wakefield a supposé que le virus de la rougeole contenu dans le vaccin ROR se déplace dans l’intestin, où il cause une inflammation, permettant ainsi aux protéines du tube digestif de pénétrer dans le courant sanguin, d’atteindre le cerveau et de causer l’autisme. Cette théorie n’a jamais été prouvée. En 2008, Hornig et ses collègues7 ont mené une recherche afin de déceler la présence du virus de la rougeole dans des échantillons de biopsie prélevés sur des enfants aux prises avec des troubles gastro-intestinaux par le biais d’une colonoscopie. Les échantillons de biopsie ont été prélevés dans les intestins de 25 autistes et de 12 enfants non autistes. Le virus de la rougeole n’a pas été détecté plus souvent chez les autistes que chez les enfants souffrant uniquement de troubles gastro-intestinaux.
  2. Deuxième question clé de la recherche : Jusqu’à présent, au moins 13 études épidémiologiques n’ont pas réussi à démontrer qu’il existait un lien entre le vaccin ROR et l’autisme.8 Plusieurs d’entre elles constituaient des études écologiques qui révélaient que les tendances nationales en matière de vaccination ROR n’étaient pas directement liées aux tendances nationales du diagnostic de l’autisme. Par exemple, le Japon a cessé de donner le vaccin ROR en 1993, mais les taux d’autisme ont continué d’augmenter.9 D’autres études ont comparé le risque de souffrir d’autisme chez les enfants ayant reçu ou n’ayant pas reçu le vaccin ROR. L’étude la plus sérieuse réalisée à plus grande échelle a nécessité l’évaluation de 537 303 enfants danois nés entre 1991 et 1998.10 Cette étude a profité du système d’enregistrement des déclarations d’état civil du Danemark qui contient tous les détails des visites médicales de tous les citoyens. Ces chercheurs ont découvert que les taux d’autisme ou d’autres troubles du spectre de l’autisme étaient pratiquement les mêmes chez les enfants vaccinés que chez ceux qui ne l’étaient pas. D’autres études axées sur la population réalisées travers le monde ont tiré des conclusions similaires.
  3. Autres renseignements pertinents : En plus de ces questions scientifiques, il existe plusieurs considérations éthiques liées au mythe du ROR-autisme. En 2010, The Lancet a officiellement retiré l’article original de 1998 en raison de la conduite contraire à l’éthique du Dr Wakefield.11 Plus particulièrement, il n’a jamais obtenu l’autorisation du comité de déontologie de l’hôpital pour effectuer sa recherche et les enfants qui ont participé à l’étude n’ont pas été « consultés pour toute la durée de l'étude » tel que le décrit l’article; ils ont plutôt été « triés à la main ». Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que des avocats représentant plusieurs sujets de l’étude dans le cadre d’une poursuite judiciaire contre les fabricants du vaccin ont rémunéré le Dr Wakefield, et ce dernier détenait un brevet pour un nouveau vaccin contre la rougeole.12 Ces conflits d’intérêts financiers n’ont pas été divulgués au moment de la publication. Finalement, des accusations ont été portées récemment contre Dr Wakefield, car il aurait faussé les données de cette étude.13

Lacunes de la recherche

Tel qu’il est décrit ci-dessus, aucun résultat scientifique ne prouve que le vaccin ROR cause l’autisme. Toutefois, pour plusieurs parents, la sécurité du vaccin ne constitue pas un enjeu scientifique, mais plutôt un enjeu émotionnel. Dans ce contexte, la question clé de la recherche est passée de « le ROR cause-t-il l’autisme? » à « quelles ressources et stratégies de communication sont les plus utiles quand vient le temps de discuter de la sécurité du vaccin avec les parents qui s’inquiètent que le vaccin cause l’autisme? » Ce questionnement nécessitera la collaboration des chercheurs médicaux et des chercheurs en communication des risques. Il est également important de mieux comprendre le rôle que les médias jouent dans la propagation du mythe ROR-autisme afin d’éviter des crises portant sur la sécurité du vaccin.

Conclusions

La théorie selon laquelle le vaccin ROR cause l’autisme se fondait sur une petite série de cas comportant uniquement 12 enfants. Une telle étude peut être à l’origine d’une hypothèse, mais elle ne peut établir de causalité. Puisque l’autisme est diagnostiqué presque en même temps que le vaccin ROR est administré, il n’est pas surprenant que des parents soupçonnent qu’il existe un lien entre les deux événements. Toutefois, de nombreuses études microbiologiques et épidémiologiques réalisées au cours des 14 dernières années n’ont pas été en mesure de confirmer cette théorie. Aujourd’hui, nous pouvons avancer de manière irréfutable que la science ne valide pas l’existence d’un lien entre le vaccin ROR et l’autisme. De plus, il est clair que l’étude initiale a causé de grandes inquiétudes sur le plan éthique, ce qui a entraîné à son tour le retrait de l’article et la révocation du permis d’exercice de la médecine du Dr Wakefield en 2010. Ces faits peuvent rassurer les parents qui s’inquiètent de l’existence d’un lien putatif entre le ROR et l’autisme.

Implications pour les parents, les services et les politiques

L’implication pour les parents est claire : le vaccin ROR ne cause pas l’autisme. Bien que la rougeole ne survienne pas aussi fréquemment qu’avant l’ère de vaccination, elle est à nos portes. Puisque le fait de demeurer non vacciné peut entraîner des répercussions négatives, les fournisseurs de soins de santé devraient renforcer ce message auprès des parents. Du point de vue des politiques et des services, il est temps de clarifier qu’il n’existe pas de lien putatif entre le ROR et l’autisme. D’autres recherches devraient être financées et réalisées afin de trouver d’autres étiologies et traitements possibles contre l’autisme.

Références

  1. Wakefield AJ, Murch SH, Anthony A, Linnell J, Casson DM, Malik M, Walker-Smith JA. Ileal-lymphoid-nodular hyperplasia, non-specific colitis, and pervasive developmental disorder in children. The Lancet 1998;351(9103):637-641.
  2. Dempsey AF, Schaffer S, Singer D, Butchart A, Davis M, Freed GL. Alternative vaccination schedule preferences among parents of young children. Pediatrics 2011;128(5):848-856.
  3. Smith MJ, Ellenberg SS, Bell LM, Rubin DM. Media coverage of the measles-mumps-rubella vaccine and autism controversy and its relationship to MMR immunization rates in the United States. Pediatrics 2008;121(4):E836-E843.
  4. Centers for Disease Control and Prevention. Update: Measles - United States, January-July 2008. Morbidity and Mortality Weekly Report 2008;57:893-896.
  5. Parker AA. Implications of a 2005 measles outbreak in Indiana for sustained elimination of measles in the United States. New England Journal of Medicine 2006;355(5):447-55.
  6. Editorial team. Measles once again endemic in the United Kingdom. Eurosurveillance 2008;13(27).
  7. Hornig M, Briese T, Buie T, Bauman ML, Lauwers G, Siemetzki U, Lipkin WI. Lack of association between measles virus vaccine and autism with enteropathy: A case-control study. Plos One 2008;3(9).
  8. Gerber JS, Offit PA. Vaccines and autism: A tale of shifting hypotheses. Clinical Infectious Diseases 2009;48(4):456-461.
  9. Honda H, Shimizu Y, Rutter M. No effect of MMR withdrawal on the incidence of autism: a total population study. Journal of Child Psychology and Psychiatry 2005;46(6) :572-579.
  10. Madsen KM, Hviid A, Vestergaard M, Schendel D, Wohlfahrt J, Thorsen P, Melbye M A population-based study of measles, mumps, and rubella vaccination and autism. New England Journal of Medicine 2002;347(19):1477-1482.
  11. Editors of The Lancet. Retraction—Ileal-lymphoid-nodular hyperplasia, nonspecific colitis, and pervasive developmental disorder in children. The Lancet 2011;375:445.
  12. Offit PA. Autism's false prophets: Bad science, risky medicine, and the search for a cure. New York: Columbia University Press; 2008.
  13. Deer B. How the case against the MMR vaccine was fixed. British Medical Journal 2011;342:77-82.

Pour citer cet article :

Smith MJ. Démystifier le ROR et l’autisme. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Scheifele DW, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/vaccination/selon-experts/demystifier-le-ror-et-lautisme. Publié : Avril 2013. Consulté le 23 novembre 2024.

Texte copié dans le presse-papier ✓